Le Jardin des Délices

Pour Dixtuor : Flûte, Hautbois, Clarinette, Basson, Cor, Violon I, Violon II, Alto, Violoncelle and Contrebasse

Dedicace: "à Carson P. Cooman et L'ensemble Gordon"

Duration : ca. 12:00

Il s'agit bien sûr du tableau de Gérôme Bosch . Mais cette courte pièce pour double quintette n'est pas une illustration musicale du triptyque du Prado. Je parlerai plutôt d'une promenade, d'une errance dans un univers onirique où des événements sont successifs et d'autres simultanés. Le tableau de Bosch est archaïsant en ce qu'il utilise encore des recettes narratives du moyen-âge et manifeste une totale absence de tabous dans la représentation de "l'humain" (la Renaissance mettra un terme à cette verdeur) ; il est aussi très moderne puisqu'il prend en compte l'inconscient par le rêve, le délire maîtrisé. La plus grande modernité étant peut-être dans les deux panneaux extérieurs représentant d'une manière étonnante cette "soupe primordiale" dans une bulle transparente et glauque qui n'a pas grand chose à voir avec les versions autorisées de la Genèse à son époque mais s'accordent pleinement dans sa poésie à une vision presque scientifique de la chose au XX° siècle...

J'ai donc cherché à ma manière à recréer ce principe diachronie/synchronie en utilisant les moyens les plus classiques de l'écriture musicale tonale. On passe ainsi d'un événement musical à un autre, sans tabou et sans autre souci que le bon vouloir mais aussi avec une sorte de gloutonnerie. Si je ne peux, face au tableau de Bosch, m'empêcher d'avoir "l'oeil qui se promène" en une vision globale, mais qui s'offre aussi des aller et retour au creux des détails avec le désir naturel de ne rien manquer, j'entends dans cette pièce avoir pareillement "l'oreille promeneuse...". L'âme divague dans des sensibilités diverses que je souhaite poétiques et denses ; elle reste néanmoins à l'intérieur du "cadre" et, pour en revenir à la métaphore picturale et finalement cinématographique, passe d'un événement à un autre, effectue des travellings, profite d'effets d'ombre et de lumière, de fondus enchaînés de zooms-avant/arrière, et se perd dans le fondu au noir terminal que suit juste un petit éclair...

Jean-Thierry BOISSEAU